Désolés pour ce silence de quelques jours pour tous ceux qui nous font l'honneur et le plaisir de nous suivre à cyber-distance...
Voici un petit récapitulatif de la vie de Aude, Renaud, et Issucube depuis notre départ d'Essaouira.
Il faut dire que les 17 jours passés avec Jonathan et Léa nous ont laissés comme un vide. Léa la reporter avait été plus assidue dans les comptes-rendus au jour le jour. Notre face à face a depuis, repris son cours, avec un voyage qui se construit au fur et à mesure, comme toujours...
15 Janvier 2007
Nous avons donc mis 3 jours à nous décider de partir de la "Wind City" au rythme si tranquille. Avoir autant de temps devant soi mais aussi sentir tous ces kilomètres à avaler comme autant de pas vers un inconnu toujours plus dépaysant, est comme se retrouver tout à coup face à un gouffre vertigineux où le plongeon dans le voyage est inéluctable: l'envie de mettre le cap sur le Sud, pour aller vers le chaud, a finalement réussi à nous faire reprendre la route.
En repassant dans les massifs cultivant l'argane entre Essaouira et Agadir, nous avons pris des chemins de traverse. Il n'y avait plus de chèvres dans les arbres, mais des terres rouges, arides, que l'on a senties cultivées avec soin et presque amour par les marocains. Oliviers et arganiers se cotoient, le reste est rocailleux ou labouré, simplement, comme pour pouvoir accueillir une pluie providentielle qui pourrait faire pousser quelques verdures bienvenues pour les animaux.
16 Janvier 2007
Tiznit, un peu plus au Sud nous fait partager un moment de nouvelle expérimentation pour nous: Issucube va coucher avec des "copains" dans un camping, au beau milieu de dizaines et dizaines de camping cars, surtout des français... ça fait bizarre de voir des gens, jeunes retraités pour la plupart, passer autant de temps dans un seul endroit pour nous qui avons la bougeotte. Ils ont peut-être "raison", au fond... pourquoi aller si loin ? Nos voisins de droite ont même mis une petite barrière autour de leur maison roulante, et ramassent les crottes de leurs chiens au matin... amis poètes, bonsoir! Nos voisins de gauche, des montpellierains, ont mitonné un petit repas à l'odeur alléchante. Nous décidons de tenter notre chance pour un repas improvisé dans la rue, après avoir pris des nouvelles du retour des pitchounes à Bordeaux. Christine et Robert sont de la partie, la vie a repris son cours à l'école, les tatouages au henné de Léa se sont effacés, et nous, nous sentons encore leur énergie à distance. Merci les enfants...
Au matin, nous décidons de nous séparer, Renaud ayant besoin de marcher, seul, pour réfléchir à tous ses méandres de perception de la vie et surtout, re-sentir ses pas le porter physiquement. A l'horizon, il y a juste le désert qui commence. De l'eau et un tam-tam dur le dos, quelques fringues et un duvet, et 15km sous le cagnard, ça vous remet les idées en place...
Aude et Issucube vont de leurs cotés découvrir Sidi Ifni et ses plages paradisiaques. Quelques rencontres plus "humaines" redonnent un peu de chaleur à ce bout de parcours très, très difficile...
18 Janvier 2007
Tan-Tan... vous connaissez? Alors, disons qu'au départ, ce ne devait être qu'une ville étape, où selon le guide du routard, "il n'y a rien à voir"... alors, je m'insurge!! Si, il y a "juste" des gens, qui y vivent, c'est pas "rien" non? Et pour Renaud, Tan-Tan, c'est le début des rencontres qui "font" le voyage.
Je me propose d'ouvrir une rubrique spéciale de portraits de ces rencontres, avec un coup de coeur pour commencer. Disons que de notre position "favorisée" d'européens, bien portants et habitants de pays dits civilisés, il nous arrivent de croiser des destins à priori, moins enviables que les notres, quoique... Je n'ai pas mis tous les guillemets nécessaires, mais vous pouvez en rajouter quasiment à tous les mots!
Alors, pour commencer, faisons un peu de foot! Imaginez: il n'y a rien à voir, rien à faire à Tan-Tan. Curieux, je monte au pied du seul promontoire naturel de la ville pour admirer le désert alentour et me placer pour le coucher du soleil, appareil photo aux aguets au cas où. Finalement, c'est un fort militaire, ce promontoire, interdit de surcroit. Des enfants me font de grands signes et m'indiquent à grand renforts de gestes amicaux, que les militaires n'apprécieraient pas forcément de me voir méditer sous leurs barbelés... Finalement, je me laisse aller à me fondre dans leur enthousiasme de parler les quelques mots de français appris à l'école, et je me lance dans un match de foot au milieu des gravas.
Ensuite? Rien, sauf que l'un d'entre eux, portant un maillot du Barça réhaussé du prénom de "DECO", est un talent pur !!! Roucoulettes, dribbles nerveux, jaillissements, physique type du footballeur, sens du jeu et du but, et juste ce qu'il faut de mauvais caractère pour vouloir marquer ou gagner, mais en jouant, vraiment, pour le vrai plaisir du jeu qui se lit dans les yeux de ce jeune homme.
Alors voilà: il se prénomme Icham, il a 16 ans, et son idole est un certain Ribéry, de l'OM précisément. Y a-t-il dans ce monde de rêve plus fou que de vouloir espérer partir tenter sa chance pour exprimer son talent en vivant sa passion et donner un sens à une existence où rien ne peut arriver, sauf le "hasard" de rencontres dans ce pays de sable et de vent où même le Dakar les laissent dans leur poussière ?? Ses soeurs ont déjà mis le cap en Italie et en Afrique du Sud, pour suivre leurs maris, la maman reste seule tandis que son papa retraité, est plus au Nord entre Marrakech et Fes. Icham, heureusement, a un copain, non, un ami, Oussama, et dans leurs yeux brillaient cette même lumière de la passion de la vie avant tout. En se quittant et en s'échangeant nos emails, ils m'ont simplement dit: "ne nous oubliez pas".
Alors, je lance un appel: Icham peut-il intégrer un centre de formation de foot? Y a-t-il des marseillais sur le net, qui pourraient me donner les coordonnées d'un recruteur voulant parier sur un jeune et sortir le "Zizou du désert" de la poussière ?? Merci de vos suggestions. Pour l'instant, je n'ai qu'un regret, c'est de ne pas avoir osé prendre une photo de ces deux regards là, jaillissant d'espoir et d'envie vers moi, pour vous les faire partager sur ce blog. A eux seuls, ils justifient pour moi de revenir vers eux...
19 Janvier 2007
Après Tan-Tan, le désert a, cette fois, pris toute la place qu'il occupe désormais en permanence. Nos regards s'y sont habitués et nous osons imaginer pouvoir s'y adapter... sans aller jusqu'à l'affronter ouvertement, j'allais dire inconsciemment.
Imaginez... l'océan à droite, le sable et les cailloux à gauche, le goudron au milieu, quelques dromadaires qui traversent parfois (ils sont chez eux après tout!) et puis, le temps qui passe, les kilomètres qui défilent. Rouler, observer, descendre en nous au rythme où la route nous offre de faire défiler les paysages dans une monotonie reposante : du plat partout, quelques dunettes, et parfois, des villages faits de moins que rien cette fois... Nous avançons, au gré du hasard et des ravitaillements en essence. Et des rencontres improvisées, encore.
Partis pour faire le plein, nous nous arrêtons au "musée St Exupéry" que nous indiquent des gamins avant même d'avoir pu écouter leurs explications confuses du chemin (plus que la route) vers la station service. Au bord de la plage: il y a cette miniature d'un avion biplace dans lequel l'auteur du Petit Prince a vécu tous ses voyages aventureux si inspirateurs de ses oeuvres.
D'un élan commun, Aude et moi décidons de tenter une expérience improvisée bien que préméditée: nous installons une feuille de papier géante sur le socle du monument; et proposons aux enfants accourus en nombre, une séance de dessin commun. Renaud dessine, non pas un mouton, mais une esquisse de l'avion biplan et inscrit cette phrase: quels rêves pour Votre monde ?
La suite est plus cahotique! Sortir des feutres de couleur dans ce pays où le moindre stylo est déjà synonyme d'émeute... qui n'a pas ratée! Aude, dans sa douceur magistrale de maitresse d'école et Renaud dans sa stature plus imposante et autoritaire, tentent un semblant d'organisation pour canaliser 19 enfants surexcités, et littéralement avides de tout ce qui n'est pas leur quotidien, donc nous, presque entiers...
La fin se lit sur fond d'intervention menaçante d'un militaire matraqué qui veut éviter tout trouble dans ce sahara occidental encore sous le signe d'une revendication d'autonomie. Les V de la victoire de ces gamins remplissent à eux seuls toute la page, mais s'agit-il de leurs rêves, ou de leur monde?
Un peu hagards de ce dénouement, nous repartons direction Laayoune, où nous attendent de nouvelles surprises.
21 Janvier 2007... 1er jour de l'an 1428 musulman
Les saharouis sont les seuls vrais habitants de ce pays, nous les avons rencontrés. Certains se disent maintenant "Saharocains", et l'ONU tente de mettre son grain de sel pour tamiser les grains de sable au vent du désert, bon courage...
Alors, il y a eu Mohammed, 31 ans, ses cousins et son ami Khalid, érudit de tout ce qui est matière littéraire et intellectuelle, qui avoueront presque ouvertement leurs troubles culturels devant la tradition musulmane, le matérialisme occidental, portables en poche, et les idées de liberté de "notre" monde qu'ils cotoient tous les jours, laissant beaucoup de questions pour si peu de réponses, si ce n'est leur foi en l'amour vrai, vécu sans entrave.
Difficile de parler de ce morceau de désert coincé entre océan, afrique noire et Maroc. Laayoune semble offrir un condensé d'humanité, où l'espoir de faire se fondre des cultures différentes se trouble avec le vert des treillis militaires, le blanc des 4x4 Toyota flambants neufs tagués UN, et le rouge du sable, qui recouvrira tout, un jour, comme hier, inéluctablement. Nous sommes restés finalement 2 nuits, avec ballade sur la plage, petit tour à vélo pour Renaud, footing pour Aude, tout ça contre le vent, omniprésent, en se fondant toujours dans l'ambiance des cafés et en goutant le pain chaud délicieux des boulangeries.
23 Janvier 2007
Une fois les réserves d'essence faites à la dernière station ayant du sans-plomb, nous traçons vers Dakhla. Issucube avale les kilomètres sans broncher, faut dire qu'il a le vent au cul ! Nouvelle étape de routard dans un camping où nous ne faisons, une fois de plus, que passer. La ville nous apparait encore plus "bizarre" que toutes celles surgies du désert. C'est finalement dans un petit resto proche du port, que des ouvriers pêcheurs et leurs bottes en caoutchouc blanches ou jaunes nous font recontacter avec la "matière" humaine que nous aimons tant. Nous dégustons de l'espadon mariné aux épices et de la viande de chameau en kefta dont nous faisons un "doggy bag" bienvenu!
Il nous reste 500km à faire jusqu'à la frontière mauritanienne. Le paysage se creuse un peu. Une lagune nous offre un point de vue presque infini, la lumière est crue sous le soleil tapant les roches jaunes-blanchatres, le goudron nous appelle: roulons jeunesse...
Passer une frontière en Afrique est toujours un moment de bravoure! Celle-ci, la deuxième après Tanger, a la caractéristique particulière de ne pas exister !!! En effet, pour les raison politiques que tout le monde connait, il y a bien 2 postes frontières, et 2 pays qui se cotoient. Entre les 2 ? Un no man's land de 4 km habité par des caravanes sorties tout droit de "Mad Max" et "Le dernier combat" pour nos amis cinéphiles.
Pour nous les formalités de douane, de police et de gendarmerie (ne pas confondre, d'ailleurs, c'est souvent dans l'ordre inverse, les douaniers toujours en dernier...) se déroulent presque comme sur des roulettes malgré l'heure tardive. Vouloir aller plus vite que le temps qui passe pourtant à la même allure que partout, est ici une sorte de rêve occidental qu'un doigté tout en finesse, permet de simuler pour passer les éceuils du "encore plus lent". Nous franchissons finalement sans encombre, la piste du no man's land en slalomant entre les mines et les nids de poules... (non c'est une blague, celle du coq qui pond un oeuf dans un nid à la frontière!!??? non je disais, les mines, on ne les a pas vues, on ne sait donc pas si il y en avait vraiment !!).
La Mauritanie nous attend désormais avec encore son lot d'imprévus... En chemin, le 3ème poste de contrôle de police (ou genbdarmerie, ou douanes, de toutes façons, ils n'ont plus d'uniformes!!!) nous demande de prendre 2-3 passagers à notre bord pour rejoindre Nouadhibou à 35km. Finalement, c'est 4 grands gaillards qui montent à bord. Nous n'avons pas vraiment le choix, mais n'est-ce pas ça, le voyage au coeur d'une solidarité perdue chez "nous" ?? Libres à vous de réagir et aux voyageurs de se souvenir de l'autrement, toujours possible, mais ailleurs, alors pourquoi pas aussi chez "nous", où rencontres riment souvent avec convivialité, quand les esprits sont suffisamment ouverts... Fin de la parenthèse philo-socio-tunnelesque !!
24 Janvier 2007
Nouadhibou. Vous entendez la sonorité de ce nom si particulier? Cet ancien port colonial s'appelait Port-Etienne, et du coup, les habitants de Nouadhibou s'appellent les... stéphanois !!! Véridique. Alors comme Issucube est immatriculé 42, il est comme chez lui finalement !
Mais pour le reste, peu de ressemblance. Ici, c'est l'Afrique, la vraie. Celle qui vous marque dans votre chair par toutes les portes d'entrées de vos sens.
Une petite pause pour se remettre et reprendre son souffle. Le voyage continue, l'extérieur et l'intérieur se rejoignent et se téléscopent maintenant.
Renaud